
ROSE BERTIN, UNE ICÔNE DE LA MODE
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Rose Bertin, reine des couturière et couturière des reines
Comme sortie d’un conte, l’histoire de Rose Bertin nous entraîne de l’ombre d’un atelier parisien à la lumière des salons de Versailles. Abbevilloise issue d’un milieu modeste, muse d’une reine, pionnière de la haute couture, son destin fit d’elle plus qu’une simple modiste : elle devint la confidente de Marie-Antoinette. Deux robes d’or confectionnées pour la souveraine et offertes à une Vierge miraculeuse pavèrent la route de son destin extraordinaire.
Une naissance modeste, un rêve ambitieux
Rose Bertin, qui fut baptisée Marie-Jeanne, naquit en 1747, sixième enfant d’un cavalier de la maréchaussée d’Abbeville et d’une garde-malade. Nul doute que des fées s’étaient penchées sur son berceau, faisant vœux qu’elle devînt aussi talentueuse qu’ambitieuse. À l’âge de 16 ans, ses parents l’envoyèrent à Paris où elle espérait réussir, portée par la prophétie d’une bohémienne qui, lorsqu’elle avait neuf ans, lui avait prédit une grande fortune à la cour. Dans la capitale, elle fut embauchée chez mademoiselle Forgel, marchande de modes au Trait galant.
Une rencontre pleine de promesses
Les années passèrent toutefois sans que la prédiction se réalisât. Jusqu’au jour où le Trait galant, maison que fréquentaient les illustres personnages de l’époque, reçut commande de deux robes de mariées pour le compte de la princesse de Conti. Rose, chargée de la livraison, se rendit à l’adresse indiquée où une dame âgée l’accueillit et la pria de lui présenter les vêtements. Elle s’exécuta sans comprendre pourquoi une « vieille femme », somme toute une femme de chambre « de peu d’apparence », lui faisait une telle requête. Les robes n’étaient-elles pas destinées aux filles illégitimes de feu le comte de Charolais et de madame de la Saune, sa maîtresse ? Rose ne pouvait pas savoir que le comte avait été l’oncle et tuteur du prince de Conti qui avait sollicité la légitimation de ses cousines et prié la princesse douairière, sa belle-mère, d’organiser leurs mariages.
Une fois les robes inspectées avec satisfaction, la vieille femme invita Rose à la rejoindre pour s’asseoir et se réchauffer au coin du feu ; c’était l’hiver et le froid était rigoureux. Après s’être renseignée si Rose connaissait les futures épouses dont la mère se fournissait au Trait galant – ce qui n’était pas le cas –, elle l’abreuva de questions tout en lui témoignant une sympathie bienveillante. Rose que les marques d’amitié de son interlocutrice troublaient n’en fut sans doute pas moins déconcertée quand une servante fit irruption dans la pièce, étonnée d’y découvrir « son altesse ». Rose, confuse, s’excusa aussitôt et la noble dame accueillit ses paroles avec grande indulgence, lui promettant qu’elle ne tarderait pas à recevoir des signes de sa reconnaissance.
Un audacieux refus au nom de la liberté
Peu de temps après, un courrier de la princesse arriva au Trait galant, demandant que la jeune livreuse fût chargée du trousseau de la fille du duc de Penthièvre. Ainsi Rose commença-t-elle à se rendre chaque jour à la toilette de l’épousée pour qui elle arrangeait en outre les bouquets de fleurs fraîches, accessoires de mode très en vogue à l’époque. Avoir eu l’heur de plaire à madame de Conti amorça sa brillante carrière. Associée dès cet instant pour moitié au Trail galant, elle se vit rapidement contrainte d’éviter un grand péril, tant par loyauté envers sa princesse que par souci de préserver sa réputation et son avenir : les avances insistantes du duc de Chartres, époux de mademoiselle de Penthièvre, qui alla jusqu’à envisager de l’enlever pour la soumettre. Malgré toutes ses inquiétudes, le destin la plaça en présence du duc, un jour qu’elle se trouvait chez la comtesse d’Usson, sa cliente.
À cet occasion, la jeune modiste fit preuve d’audace : prenant un fauteuil, elle s’assit à côté du duc. La comtesse, surprise par cette attitude inconvenante, la somma de s’expliquer. Rose déclara que, malgré la fin de non-recevoir qu’elle lui avait signifiée, le duc voulait faire d’elle sa maîtresse et songeait même à la faire enlever. Le duc, saisi de stupéfaction devant tant d’aplomb, se reprit, alléguant que de tels charmes ne sauraient lui être refusés. Rose rétorqua que s’il en était ainsi et puisqu’il préférait une marchande de modes à une princesse bien née et tout acquise à lui, elle pouvait tout aussi bien se montrer familière à son égard. Elle lui porta le coup de grâce en déclarant triomphante : « que monseigneur n’oublie pas son rang et je me souviendrai de l’extrême distance qui existe de lui à moi. » Le duc ne l’importuna plus.
Le Grand Mogol, temple de la mode naissante
Dès lors, tenue en haute estime par toutes les dames nobles mises au courant par la comtesse d’Usson, Rose et ses affaires prospérèrent. À cette époque, en 1770, Rose, alors âgée de 23 ans, ouvrit rue du Faubourg Saint-Honoré son magasin de modes, Le Grand Mogol, qui connut rapidement un formidable essor grâce à son sens des affaires et à ses innovations : silhouettes allégées, création de robes champêtres en mousseline pour satisfaire la reine en quête de vêtements plus fluides après ses deux grossesses, robes de grossesse, coiffures d’une grande extravagance…
Pour l’amour d’une reine
La princesse de Conti qui s’était prise d’affection pour elle décida de faire sa fortune et l’introduisit auprès de la fiancée du dauphin, la future reine Marie-Antoinette. Rose Bertin dresse ainsi le portrait de la femme auprès de laquelle elle passa vingt années de sa vie : « Qu’on se figure un teint d’une blancheur éblouissante, où se mêlaient des couleurs aussi fraîches que la rose printanière ; de grands yeux d’un bleu azur, à fleur de tête ; un front que couronnait une forêt de cheveux blonds... » Immédiatement séduite par la beauté et la grâce de la souveraine, Rose lui voua une grande admiration ; elle la défend d’ailleurs bec et ongles dans ses mémoires.
Deux robes d’or pour remercier le ciel
Longtemps, Marie-Antoinette ne put pas avoir d’enfants. Sur les conseils de Rose, devenue, comme elle l’appelait, sa « ministre des modes », et certainement sa familière, elle se rendit à Bellancourt, près d’Abbeville, pour se placer sous la protection de Notre-Dame de Monflières. Après la naissance de la princesse Marie-Thérèse-Charlotte de France – la seule des quatre enfants de la reine et de Louis XVI à avoir survécu aux maladies et à la Révolution –, elle commanda deux robes en drap d’or pour la statue miraculeuse de la Vierge à l’Enfant de la chapelle de Monflières, à laquelle les pèlerins vouaient un culte fervent depuis le XIe siècle. Ces deux vêtements sur lesquels les siècles écoulés ne semblent pas avoir eu aucune prise sont aujourd’hui exposés au Carmel d’Abbeville.
L’exil, l’oubli et la légende
Rose Bertin resta fidèle jusqu’au bout à sa souveraine, lui livrant même des vêtements en prison. Elle s’enfuit en Angleterre en 1793 pour échapper à la Terreur et à la guillotine. De retour en France deux ans plus tard, elle recouvrit ses biens, dont sa maison d’Épinay où, en 1813, elle mourut à 66 ans, oubliée, sans avoir pu renouer avec son succès passé. Quand Marie-Jeanne décida-t-elle de prendre le nom de Rose et d’ailleurs, le prit-elle vraiment ? Il semblerait que des historiographes du XIXe aient choisi de la baptiser ainsi par souci d’esthétique. De même que l’on soupçonne Jacques Peuchet, d’être l’auteur des Mémoires de Mademoiselle Bertin sur Marie-Antoinette parues en 1824, c’est-à-dire onze ans après la disparition de Rose. D’aucuns prétendent aussi qu’elle aurait conduit la reine à sa perte dans une frénésie dépensière. Quoiqu’il en soit, deux petits chefs-d’œuvre de la confection textile subsistent aujourd’hui encore et un récit sur fond de conte de fées, mais riche d’enseignements sur les pratiques et mœurs de la cour avant la Révolution.
Références :
Mémoires de Mademoiselle Bertin sur Marie-Antoinette, avec des notes et des éclaircissements
Bibliothèque nationale de France, Gallica
Ou sur
Ancien monastère du carmel de Jésus-Maria
34-36 Rue des Capucins
80100 Abbeville
Horaires
Du mardi au samedi de 14 h 00 à 18 h 00
Visite libre – entrée gratuite
Visites commentées
Tarif : 4 €/adultes
Renseignements/réservations : service des publics 03 22 20 29 69
Chapelle Notre-Dame de Monflières
2 impasse de la Chapelle
80132 Bellancourt
Horaires
La chapelle est ouverte toute l’année, 7 jours sur 7 du 1er avril au 30 septembre de 9 h 30 à 19 h 00 – du 1er octobre au 31 mars de 9 h 30 à 17 h 00.







