

Impossible pour moi de venir dans la Somme sans me rendre chez Stu[dio] Livres, avec une douce pensée pour Marie, mon adorable compagne à quatre pattes qui ne me quittait jamais et que Jean-Claude Diot, le propriétaire de la librairie, se proposait régulièrement de garder pour me permettre de muser à ma guise dans les rayons. Il y a bien des années, mon père se fournissait déjà chez Stu[dio] Livres, alors encore établissement Duclercq, devenu plus tard Duclercq-Ternisien. Ainsi, cette librairie abbevilloise, bien qu’ayant plusieurs fois changé de propriétaires, perpétue une tradition vieille de près de 150 ans. Une plaquette à l’entrée intérieure de la partie ancienne du commerce indique que l’on pénètre dans l’espace Marie-Thérèse et Philippe Duclercq. Elle honore la mémoire d’un héros de la résistance abbevilloise et de son épouse. Né en 1920, Philippe Duclercq travailla dans la librairie familiale d’octobre 1938 au 20 mai 1940, jour où elle fut détruite dans les bombardements. Créée en 1882 par Paul Duclercq, puis rachetée en 2002 par Arlette et Jean-Claude Ternisien, elle fut reprise en 2016 par Jean-Claude et Virginie Diot ; une librairie qui n’échappe pas à la tradition d’entreprise familiale puisqu’aujourd’hui, leur fille Jeanne et son époux Marc-Antoine, en renforcent l’équipe.
D’origine champenoise, la famille Diot vécut quelques années dans l’Oise, à Beauvais, pour des raisons professionnelles. Les hasards de la vie faisant parfois bien les choses, quand Jean-Claude perdit son emploi dans le diagnostique médical, lui et son épouse, qui dirigeait à l’époque un magasin de linge de maison, décidèrent de suivre leur passion et de se lancer dans la librairie. Ils étaient déjà tombés amoureux de la Somme au fil des visites qu’ils rendaient à leurs enfants, alors étudiants à Amiens. Le projet de reconversion qui mûrissait doucement trouva une concrétisation soudaine quand un appel de la Chambre de commerce et de l’industrie leur apprit que la librairie Ternisien était en vente. Ils l’acquirent en 2016. Enrichie en 2021 sur la droite d’un espace où l’on trouve disques, ouvrages régionaux, recueils de poésie et jeux, Stu[dio] Livres n’en finit plus de ravir sa clientèle par son éclectisme, sa qualité et ses évènements : Jeanne, la fille du couple, a notamment réussi à attirer de grosses pointures de la littérature française comme Amélie Nothomb, Grégoire Delacourt, Marc Lévy et Michel Bussi ou encore Céline Ghys, l’étoile montante du polar historico-régional (que je recommande vivement), tout en accueillant des auteurs peut-être plus confidentiels, mais non moins intéressants. Pour surmonter les barrières des secrétaires et autres assistants des maisons d’édition auxquelles ses parents se heurtaient, Jeanne s’était dit, voici quelques années, qu’elle ne risquait rien à tenter de contacter les auteurs directement sur les réseaux sociaux. Une idée qui a visiblement fonctionné. Les séances de dédicaces se déroulent près de l’entrée du magasin où se dresse un joli bureau ancien entouré de trois chaises design jaunes. Un piano juste derrière invite les musiciens à prendre place pour un impromptu au pied d’un escalier à rampe d’or qui ne conduit plus nulle part, sauf peut-être vers le monde de l’imaginaire.
Chaque génération apporte ainsi sa pierre à l’édifice de la librairie, lui permettant d’aller avec son temps et de rallier une clientèle de tous âges, extrêmement diversifiée. La famille Diot est attachée à cette diversité. Ainsi le rayon régionalisme propose-t-il des livres de cuisine et romans régionaux, de même que des ouvrages sur les guerres mondiales qui ont beaucoup marqué la région ou encore sur le patrimoine naturel et culturel, notamment sur le peintre Alfred Manessier, l’enfant d’Abbeville (voir rubriques « Balades/Nature/Parc de la Bouvaque », « Portraits/Les peintres de la baie de Somme » et (à paraître) « Balades/Patrimoine culturel/L’église du Saint-Sépulcre »), et des guides de tourisme. Et dans toute cette diversité, la famille Diot, qui guide ses clients à l’aide d’affichettes coup de cœur et de conseils adaptés, tient à la liberté de ses choix éditoriaux indépendants qui lui permettent de présenter ce que la grande distribution ne propose pas.
Stu[dio] Livres fourmille aussi d’activités annoncées sur les réseaux sociaux et à coup d’affiches dans le magasin, et notamment organisées au rayon papeterie, travaux manuels et littérature scolaire installé au sous-sol : des ateliers de scrapbooking, de jardinage ou encore plus récemment, et avec grand succès, des ateliers d’aquarelle dirigés par une artiste abbevilloise. Un projet de séances de lecture pour les petits mûrit actuellement aussi et n’oublions pas les petits concerts régulièrement organisés ou la vente de billets de spectacles.
Ne quittons pas le magasin sans gravir l’escalier qui s’enroule du sous-sol jusqu’au premier étage, le royaume du polar, de la science-fiction, de la BD, des mangas et de la littérature pour jeunes adultes sur lequel Matthieu règne en maître érudit et passionné. C’est ici qu’il y a quelques années encore je passais régulièrement prendre les Perry Rhodan que commandait mon père. Comme vous l’avez peut-être deviné, Stu[dio] Livres est pour moi plus qu’une simple librairie de part le côté affectif des souvenirs auxquels je l’associe – et je suis convaincue de ne pas être seule à lui vouer un tel attachement.
Stu[dio] Livres
33 place Max Lejeune
80100 Abbeville
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