
Les Terrasses des Bords de Somme
Les bords de Somme dévoilent le charme méconnu de leur nature sauvage et de leur mémoire industrielle et culturel. Embarquement immédiat à Amiens pour une balade au fil de l’eau, guidée par Guillaume, batelier passionné et conteur inspiré, qui anime le fleuve de sa passion pour l’histoire, la nature et la poésie.



Une soucoupe volante, un radeau solaire et un conteur de l’eau et des rives
Partons à la découverte de la Somme en aval d’Amiens. Point de ralliement : l’école d’ingénieurs d’Amiens UniLaSalle. Construit au début des années 90, l’édifice aux lignes futuristes de soucoupe volante fut imaginée par les architectes Jean Dubus et Jean-Pierre Lott. Mon guide a pris un peu de retard. Soit, j’en profite pour m’imprégner de l’atmosphère du lieu. Ce matin, passants, cyclistes et trotinnettistes se succèdent. Le soleil se fraye peu à peu un passage dans le ciel cotonneux. Au loin, deux cormorans perchés sur les plots d’une passe à poissons observent les environs, peut-être en quête d’un frétillant repas. Dans le ciel, des mouettes, que l’on devine nombreuses au son de leurs cris dominants alentours, rappellent qu’à vol d’oiseau, la mer n’est pas loin.
Fini de patienter : Guillaume Willemot apparaît, fier batelier, il barre le Cyrus, clin d’œil à Cyrus Smith, personnage de L’île mystérieuse, de même que leur seconde embarcation a été baptisée Bonaventure, en référence à Bonadventure Pencroff, un autre protagoniste du roman de Jules Verne. Il accoste et amarre son radeau, l’une des deux embarcations électriques à panneaux solaires qui composent la jeune flotte des Terrasses des Bords de Somme. Regard bleu d’acier tranchant sur son teint légèrement halé, Guillaume des Bords de Somme, comme il aime à s’appeler, s’excuse avec charme et humour d’arriver en retard à notre rendez-vous. En quelques gestes, il installe les drapeaux publicitaires et le chevalet qui signalent la présence de l’entreprise créée avec son ami Grégory Sabatier.
D’un passé urbain à une vie tournée vers la nature
Originaire de Douai, Guillaume arrive en 2000 à Amiens, où il intègre le lycée Robert de Luzarches. Plus tard, il devient monteur vidéo et quitte Amiens où il reviendra en 2017. À cette époque, il change entièrement de vie et se tourne vers la nature, rejoignant l’association Esprit des marais, avant de rencontrer son acolyte des Terrasses des Bords de Somme, Grégory Sabatier, un courtier en assurance de prêts immobiliers. Ensemble, ils se lancent dans l’aventure des jardins aménagés sur l’île Sainte-Aragonne, l’ensemencement d’un cheminement marqué par un esprit d’amour de la nature et des rapports humains.
La sœur sauvage des Hortillonnages s’éveille
En 2023 germe l’idée de faire découvrir l’aval d’Amiens, sœur sauvage des hortillonnages domptés par l’homme depuis le 12e siècle. Il leur aura fallu deux ans pour que ce fruit de leur imagination mûrisse et devienne un projet abouti de balades au fil de l’eau, une entreprise en constante évolution, qui ne se contente pas de proposer des balades commentées, puisque les embarcations des deux amis accueillent entre autres aussi des apéros ou encore des ateliers sur des thèmes aussi divers que la réflexologie, la création florale, l’aquarelle ou encore la fabrication de jus de pomme. Toutefois, bien qu’ils sillonnent le canal de la Somme à l’aval, il arrive aussi aux deux compères de franchir l’écluse Caroline, dont le deux-centième anniversaire sera commémoré les 30 et 31 août 2025. Ainsi ont-ils récemment conduit des mariés et leur suite nuptiale du parc Saint-Pierre à l’auberge du pré Porus sur les bords de Somme, dans les hortillonnages. Guillaume et Grégory savent s’adapter – et innover.
De l’urbain au végétal, un fleuve aux mille visages
Les Terrasses des Bords de Somme, inaugurées le 1er mai 2025, sont nées grâce au soutien de la ville, du département et de la région, dans le cadre d’une collaboration avec des étudiants de l’école d’ingénieurs UniLaSalle devant laquelle, bel hommage, Guillaume et Grégory ont installé leur embarcadère avec vue au loin sur la cathédrale et la tour Perret. C’est donc là qu’une fois ses préparatifs achevés, Guillaume, intarissable conteur pour qui les patrimoines historique, naturel et culturel de la ville d’adoption de Jules Verne ne semblent pas avoir de secrets, m’invite à monter à bord.
Une fois les amarres larguées, nous atteignons rapidement l’endroit où la vieille Somme bifurque vers la gauche, nous laissant poursuivre notre navigation sur le canal de la Somme, achevé et inauguré par Charles X en 1827. L’atmosphère urbaine s’efface peu à peu et nous glissons presque silencieusement sur le fleuve, au seul bruit du clapotis de l’eau, accompagnés par le chant des oiseaux, entre deux rangées de peupliers hautains, postés sur chaque rive, comme des soldats semblant faire une haie d’honneur sur notre passage. Guillaume salue un couple sur le chemin de halage ; ils sont déjà venus se balader à bord des terrasses. Nous laissons sur notre droite les jardins solidaires de Saint-Maurice et leurs innombrables parcelles ouvrières, tandis qu’au loin, émergeant d’un écran de végétation, se profilent des maisons cossues et le clocheton du cimetière de la Madeleine ; encore une pensée pour Jules Vernes qui y est inhumé sous la statue d’Albert Roze au titre évocateur : Vers l’immortalité et l’éternelle jeunesse. Sur la gauche, nous dépassons l’île Sainte-Aragonne et apercevons, face à elle, à la confluence de la Selle et de la Somme, comme posée sur un coussin de verdure joufflu la « Cathédrale », la salle des machines à vapeur avec son immense verrière, qui fut le cœur battant du site industriel des velours Cosserat. Un peu plus loin, des enfants à bord de canoës orange accostent. Nous saluons les jeunes kayakistes et leur moniteur avant d’opérer un demi-tour devant l’écluse de Montières. Guillaume m’explique que ses passagers, s’ils le souhaitent, peuvent débarquer là et rentrer à pied le long de la berge ; de notre côté, nous mettons le cap vers l’est.
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Suite et fin d’une balade égayante et bienfaisante
Nous passons sous le pont de chemin de fer de Montières-les-Amiens, évocateur des ouvrages rivetés de Gustave Eiffel. Au loin, la cathédrale et la tour Perret trahissent la proximité de la ville, oubliée un moment. Trois pêcheurs nous hèlent, leur épuisette s’est détachée du manche. Le bout sort de l’eau, dérisoire roseau de métal à la dérive. Guillaume manœuvre habilement, le cueille alors qu’il était en passe de couler complètement et le renvoie comme un javelot sur la berge. Ils nous remercient vivement et l’un d’eux nous présente fièrement sa prise, selon lui un barbeau. Nous reprenons notre chemin, et poussons jusqu’à l’écluse Caroline dont Guillaume, citadin amoureux de la nature et de son fleuve, me retrace l’histoire. De retour à l’embarcadère, les prochains passagers attendent déjà le batelier-conteur que je quitte, non sans le remercier chaleureusement pour la balade enchanteresse au fil de l’eau qui a tout pour dérider, détendre et requinquer les esprits les plus tourmentés.
Victor Hugo, prestigieux observateur des bords de Somme
Guillaume m’avait parlé d’une lettre de Victor Hugo à sa femme Adèle, dans laquelle il faisait le récit de son voyage en bateau à vapeur entre Amiens et Abbeville. L’extrait reproduit ci-dessous est une description poétique de son passage dans la région. Rien d’étonnant à ce qu’il ait séduit mon guide-batelier, grand amoureux des bords de Somme.
Arras, 13 août 1837
[…] Hier matin, j’ai suivi en bateau à vapeur les bords de Somme d’Amiens à Abbeville. Au moment où je m’embarquais, le soleil se levait dans une brume épaisse au milieu de laquelle se détachait la silhouette immense de la cathédrale, sans aucun détail dans la masse, par le profil seulement. C’était superbe.
Rien de plus joli que les bords de la Somme. Ce n’est qu’arbres, prés, herbages, et villages charmants. Mes yeux ont pris là un bain de verdure. Rien de grand, rien de sévère ; mais une multitude de petits tableaux flamands qui se suivent et se ressemblent ; l’eau coulant à rase-bord entre les deux berges de roseaux et de fleurs, des îles exquises, la rivière gracieusement tordue au milieu d’elles, et partout de petites prairies heureuses à herbe épaisse avec de belles vaches pensives sur lesquelles un chaud rayon de soleil tombe entre les grands peupliers. De temps en temps on s’arrête aux écluses ; et, pendant que ce petit travail se fait, la machine à vapeur geint comme une bête fatiguée.



Les Terrasses des bords de Somme
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Vor der Ingenieurschule UniLaSalle
14, Quai de la Somme
80000 Amiens
Téléphone : 07 81 47 94 56
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