
LE VIEUX NOYER
À Abbeville, le restaurant Le Vieux Noyer fait honneur à l’expression « à la bonne franquette », tant il est sans chichi, convivial, comme à la maison, et fait oublier le sombre passé de la côte de la Justice où il est installé. David, maître des lieux depuis près de trente ans, y accueille tous les midis (sauf le dimanche) une clientèle fidèle, conquise par sa cuisine vraie et généreuse. Y passer en fin de matinée, c’est risquer le supplice tant les fumets de plats mijotés auxquels succède un raz de marée de noix de coco, l’odeur des biscuits qui accompagnent le dessert d’aujourd’hui, sont tentateurs. Découvrez le grand art de la simplicité.
Oublié le funeste passé !
Au retour de la plage, j’aime aborder Abbeville par la côte de la Justice, hauteur autrefois extramuros où se dressaient les fourches patibulaires*, ce qui permettait d’exposer les pendus de sorte qu’ils soient vus de loin. De ce sombre patrimoine, plus une trace. Aujourd’hui, l’arrivée à Abbeville offre un spectacle nettement plus réjouissant : au loin, la collégiale Saint-Vulfran se dévoile entre les arbres à mesure que l’on progresse vers le centre-ville ; un spectacle fugace et sans cesse renouvelé au gré de la météo et des saisons, mais particulièrement superbe les soirs brumeux d’hiver quand, entre les frondaisons dénudées, l’édifice s’élance vers le ciel sous le feu des projecteurs. Aujourd’hui, j’ai justement rendez-vous côte de la Justice à Abbeville.
Au Vieux Noyer, venez comme vous êtes
Je me gare juste avant le rond-point près de l’ancienne sucrerie devant Le Vieux Noyer. Par son allure, il évoque les relais routiers. Bien que ce ne soit pas le cas, ce restaurant à l’ambiance conviviale, même quand il affiche complet, c’est-à-dire quasi tous les jours, sert une cuisine savoureuse, qui permet de sortir de table en se disant qu’on n’aurait pas fait mieux, voire moins bien, à la maison. Le décor est simple, mais comme David, le propriétaire, affectionne particulièrement les affiches et publicités anciennes, on peut en admirer une succession vantant la moutarde Amora et ses jolis verres, les bienfaits de la chicorée, « l’amie de votre santé » ou encore le cirque Pinder et la Piste aux étoiles, émission de l’O.R.T.F., qui berça jadis l’enfance de nombreux petits Français.
Le service du midi : un ballet bien rôdé
Dans ce restaurant, pas de chichis, mais des tables soigneusement alignées, avec des sets en papier. L’aménagement fonctionnel permet à Patricia et Stéphanie d’évoluer aisément le midi quand l’établissement est bondé et que chaque geste compte pour que la rapidité du service n’entame en rien la bonne humeur et la gentillesse des deux femmes.
David cultive l’authenticité et sa différence
J’arrive pile à 15 heures 30 à mon rendez-vous. Patricia, affairée à dresser les tables pour le service du lendemain et à nettoyer la salle, m’accueille en lançant un aimable : « Bonjour, comment allez-vous ? » et en m’assurant que le patron qu’elle appelle va arriver. David apparaît justement, arborant un grand sourire qui illumine sa barbe poivre et sel de jeune cinquantenaire. Dans les années 90, il a débuté à Paris où il a travaillé pendant six ans. À l’époque, sa compagne souhaitait quitter la capitale et comme le restaurant sur la côte de la Justice était à vendre, ce natif du Boisle, à une vingtaine de kilomètres d’Abbeville, décida de rentrer au pays. Certes, l’établissement nécessitait un grand rafraîchissement, mais David, qui ne donne pas l’impression de se laisser effrayer facilement, se retroussa les manches et en fit une bonne table, où l’on sert tous les midis depuis 1998 des plats faits maison, concoctés dans un esprit où s’associent tradition et inventivité – d’ailleurs pas toujours facile, m’avoue-t-il, de sortir des sentiers battus en proposant par exemple une tarte tatin à la banane qui, aussi exquise soit-elle, a mis un peu de temps avant d’être adoptée et de séduire.
Le Vieux Noyer : une certaine idée de l’hospitalité
En près de trois décennies, David et son équipe ont su franchir quelques obstacles – notamment la disparition d’une clientèle âgée, ébranlée par la crise sanitaire. C’est sans doute grâce à une bonne dose de courage, d’optimisme et d’humour, mais aussi d’esprit d’adaptation qu’ils ont réussi à traverser ces moments délicats. À ma question si l’on a pensé aux végétariens au Vieux Noyer, David me répond simplement qu’il y a toujours moyen de s’adapter aux attentes de chacun – et je ne doute pas qu’il le fasse avec brio. Bien que le restaurant serve uniquement le midi, il est ouvert de 7 à 19 heures. L’après-midi, il n’est pas rare que s’y tiennent des repas de deuil, parfois même sans réservation préalable – des moments de chaleur humaine que David apprécie particulièrement. C’est sans doute cette attention aux autres et cette capacité à accueillir qui rendent le Vieux Noyer si différent des établissements ordinaires.
* Gibet à plusieurs piliers généralement élevé sur une hauteur, visible de loin, hors des villes et à proximité d’une grande voie, dans un lieu bien exposé à la vue des passants.
Le Vieux Noyer
11 côte de la Justice
80100 Abbeville
Tél. : 03 22 24 27 94
Courriel : vieux.noyer@orange.fr
Horaires
Du lundi au Samedi de 7 h 00 à 19 h 00













